Le blog de Babacar DIONE
Le Sénégal n’en finira donc jamais avec les divergences sur sa constitution. Ce sur quoi tous les acteurs de la vie politique devraient s’accorder est devenu leur principale pomme de discorde. Encore une fois, la question de la durée du mandat du président de la République est revenue au devant de la scène.
Le Parti démocratique sénégalais remet sur la table un débat qui risque de tenir en haleine les Sénégalais pendant quelques semaines. Selon la formation de l’ancien président Abdoulaye Wade, le mandat du président Macky Sall prend fin le 3 avril prochain, c’est-à-dire dans un mois. La raison balancée par les libéraux est qu’il n’a pas été précisé dans la révision constitutionnelle votée le 20 mars 2016, que le mandat en cours du président Sall n’est pas concerné par la réduction de la durée du mandat du chef de l’Etat de sept à cinq ans. En d’autres termes, le mandat de Macky Sall est de cinq ans et devrait prendre fin le 3 avril 2017.
La première réaction de défense du pouvoir est venue du constitutionnaliste, Mounirou Sy, selon qui la loi qui réduit le mandat du chef de l’Etat de sept à cinq ans, prend effet en 2017. Elle ne serait donc pas rétro active et permettrait à Macky Sall, à qui le conseil constitutionnel a empêché de procéder à la réduction de son propre mandat, d’exercer jusqu’en 2019.
Le Parti démocratique sénégalais ne prend pas ce combat à la légère. Il est porté par un ancien ministre de la Justice et avocat comptabilisant plus d’une trentaine d’années d’expérience, Me Amadou Sall. D’ailleurs, ses arguments ont été repris la semaine dernière par Assane Ba, le représentant du PDS à la rencontre conviée par le ministre de l’Intérieur sur le montant de la caution à fixer pour les Législatives.
La question de la durée du mandat du président de la République a déjà été, dans le passé, la principale pomme de discorde entre le pouvoir et l’opposition. Elle paraissait définitivement résolue avec l’approbation de la révision constitutionnelle du 20 mars 2016. C’est en tout cas, ce que l’on a tenté de nous faire croire au lendemain du référendum. Les professionnels du droit semblaient s’accordés sur le verrouillage de la constitution pour éviter toute nouvelle forme de contestation, notamment celle relative à la durée du mandat du chef de l’Etat. Et pourtant, c’est cette même question qui est encore l’objet du litige. Le PDS pointe du doigt l’absence d’une disposition transitoire précisant que le mandat en cours du chef de l’Etat n’était pas concerné par la réduction. Une précision qui aurait peut-être pu décourager les libéraux à intenter une action dans ce sens.
Si le PDS allait jusqu’au bout de sa logique, le conseil constitutionnel sera appelé, encore une fois, à se prononcer sur la question. Les juristes qui ont rédigé le projet de révision constitutionnelle voté il y a seulement trois ans, pouvaient nous épargner un nouveau feuilleton de ce genre. La raison de tels errements est à trouver dans la volonté des autorités à se doter de nouvelles lois sans en cerner tous les contours. L’urgence en ce moment, pour le président Sall, était d’évacuer la promesse de réduire son mandat qui avait fini de plonger le pays dans une confusion totale.
Les experts à qui le travail a été confié n’ont pas tout verrouillé, laissant ainsi au PDS une brèche dans laquelle il s’est engouffré.
Ni la nouvelle génération de constitutionnalistes, Ismaïla Madior Fall, Mounirou Sy… ni leurs devanciers dont les professeurs Serigne Diop, Pape Demba Sy ou Babacar Gueye, impliqués dans la rédaction des différents projets de constitution, n’ont pas encore fait l’essentiel. Ils n’ont pas encore réussi à faire de la constitution un document sacré qui rencontre l’adhésion de tous les Sénégalais, au même titre que les emblèmes du pays. Ils ont encore du travail à faire.
Babacar DIONE