Le maire de Dakar, Khalifa Sall, a épuisé hier ses dernières possibilités de recours, donc ses espoirs aussi, de pouvoir être libéré de prison sans pour autant être jugé. Du côté de l’Etat, des sources proches de l’agent judiciaire estiment que le dossier est tel, les preuves si accablantes, que le maire de Dakar serait mal à l’aise si elles étaient étalées dans un procès, et il ne pourrait pas échapper à une condamnation. Les preuves, les témoignages à charge ont été versés au dossier et le Procureur avait déjà terminé son réquisitoire. Il ne restait qu’à le transmettre au juge, qui devait décider de la date de tenue du procès que tout le monde attend, pour être édifié. L’Etat aussi, représenté par le ministère public, qui a dû faire plusieurs sorties médiatiques, pour s’expliquer sur des accusations de la défense de Khalifa Sall.

La dernière date d’hier, avec la sortie de Me Ciré Clédor Ly. Or, si Khalifa Sall est encore en prison sans avoir été jugé, c’est par sa propre volonté. En effet, renseignent des sources judiciaires, le maire de Dakar avait multiplié les recours auprès de la Cour d’appel, pour gagner du temps. L’un d’eux avait été jugé fantaisiste, puisqu’il visait l’annulation du rapport de l’Inspection générale d’Etat, du fait que pour les avocats de Khalifa Sall, ce corps ne doit pas auditer le maire de Dakar. Mais pourquoi n’a-t-il pas contesté cet audit à l’arrivée des inspecteurs dans les locaux de sa mairie ? Pourquoi n’a-t-il pas contesté le rapport quand il lui a été présenté ? Pourquoi n’a-t-il jamais contesté son contenu, mais plutôt déclaré que « tous les maires avant lui l’ont fait » ? Pourquoi pendant toute l’année passée entre le rapport final et sa transmission au juge, il n’a pas pris le temps de contester le rapport lui-même ?

En réalité, poursuivent nos sources, Khalifa Sall a agi par pure stratégie. « Il a voulu gagner du temps, pour pouvoir se présenter aux élections, devenir député et pouvoir brandir son immunité parlementaire et dire qu’on ne peut pas le juger. Il échapperait ainsi à un jugement qui pourrait lui être fatal, parce que les preuves contre lui sont accablantes. Et c’est pourquoi il s’est présenté sur la liste nationale, en tête, pour juste échapper à la Justice ».

Malheureusement, pour le maire de Dakar, le parquet a évoqué le fait que quand les faits se déroulaient, quand son inculpation était prononcée, il n’était ni député, ni candidat. Mieux, ils donnent l’exemple d’un député Les républicains, en France, qui a été inculpé pour coups et blessures, un délit moins grave, alors qu’il est déjà député.
Il est vrai qu’ici l’immunité est attachée à la personne et non à la charge. Mais il reste que le mandat ne peut pas être rétroactif. Et la loi ne dit nulle part qu’une personne arrêtée, une fois élue député, doit être libérée. Il serait loisible à chacun de commettre un crime, pour ensuite faire tout pour être élu député. Ce serait donc de la pure hérésie.
Khalifa Sall devrait être heureux, que son dossier soit bouclé et qu’il puisse enfin avoir l’occasion de s’expliquer devant un juge, dans un procès. Mais c’est la chose qu’il redoute le plus.

Abdoulaye FALL