Selon des écoutes téléphoniques, les passeurs avaient conscience du drame qui se déroulait à l'arrière du camion dans lequel 71 réfugiés syriens ont trouvé la mort.
Le 25 août 2015, les corps en décomposition avancée de 71 personnes sont découvertes à l'arrière d'un camion frigorifique de 15 mètres carrés abandonné sur une autoroute autrichienne. Les victimes, dont huit femmes et quatre enfants, sont tous morts asphyxiés et déshydratés. Selon l'enquête de police, il s'agit de réfugiés syriens.
Dans une enquête publiée le 15 juin, le Süddeutsche Zeitung révèle des conversations téléphoniques inédites entre les passeurs impliqués dans cette affaire qui a horrifié le pays. Enregistrés par les autorités hongroises, ces éléments devraient être cruciaux pendant leur procès qui s'ouvre mercredi en Hongrie.
"Dis-leur d'arrêter!"
Le réseau de passeurs, qui avait organisé 31 transports de migrants avant le drame, est composé de quatre hommes: Samsoor L., un Afghan de 30 ans qui s'occupe de la logistique, Ivajlo, le conducteur du camion, ainsi que Metodi et Todorv, les accompagnateurs.
L'arrière du camion, étroit et étanche, ne peut contenir que 30,4 mètres cube d'air, rapporte le journal. Ce manque d'air pourrait expliquer l'agitation, après seulement 35 minutes de voyage. "Va voir ce qu'ils font. Dis-leur d'arrêter, c'est n'importe quoi," dit le chauffeur à Ivaljo, qui se trouve dans une voiture en face de lui.Il précise que les passagers "ont beaucoup cogné à la station-service". "Merde," répond l'accompagnateur.
"Faut pas qu'il ouvre la porte! Même s'ils doivent mourir"
Au bout de 70 minutes, il remarque que les réfugiés essayent de venir à bout de la gomme isolante du camion, pour avoir de l'air. L'autre accompagnateur indique qu'ils n'ont presque plus de carburant et vont devoir s'arrêter. "Ils ne peuvent plus respirer. [Samsoor] me dit que vous devez vous arrêter sur une aire de stationnement où il n'y a pas de station-service. Tu leur envoies de l'eau et tu leur dis qu'ils ne doivent pas parler. Après, tu fais comme si tu n'entendais pas."
Mais au moment venu, Samsoor change d'avis. "Faut pas qu'il ouvre la porte! S'il ouvre la porte, tout le monde va partir!" dit-il, craignant que dans la panique, les réfugiés ne compromettent le plan. "Il ne peut pas leur donner de l'eau. Dis-lui qu'il doit seulement continuer sur la route. Et s'ils devaient mourir, il doit les décharger dans la forêt allemande." L'homme perd complètement la raison, il indique qu'en aucun cas, cette porte ne doit être ouverte, "même s'ils doivent mourir".
Lorsqu'ils traversent la frontière autrichienne, c'est déjà le cas. Le camion est parti depuis 4 heures et 20 minutes. Selon l'autopsie, la plupart des passagers sont décédés entre 1h30 et 2 heures de voyage, d'autres ont tenu 3 heures. L'équipe de passeurs décide d'abandonner le camion au bord de l'autoroute.
Si les autorités avaient pu faire quelque chose, "elles l'auraient fait"
Dans les enregistrements suivants, Samsoor dit à Metodi l'accompagnateur que "la moitié des gens sont morts", en riant. Après 25 heures, le camion est découvert par la police. Les quatre hommes sont arrêtés au cours de la journée et le lendemain, les enquêteurs hongrois ayant commencé à écouter les passeurs 13 jours plus tôt.
Pourquoi ne pas être intervenu tant qu'il était encore temps? Selon Gàbor Schmidt, le procureur de Kecskemét où ont embarqué les victimes, les enquêteurs ne pouvaient pas écouter les appels en temps réel. "Si les autorités hongroises avaient eu la chance d'empêcher ce drame, elles l'auraient fait". Le réseau de passeurs sera jugé mercredi 21 juin. Ils devront répondre de cette cruauté.
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