Confessions de cambrioleurs : comment ils blanchissent des centaines de millions dans le foncier, le transport et l’élevage
Les méthodes sont celles de criminels, mais la bande a été applaudie à l'audience !

Confessions de cambrioleurs : comment ils blanchissent des centaines de millions dans le foncier, le transport et l’élevage

Les méthodes sont celles de criminels, mais la bande a été applaudie à l'audience !
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Cher lecteur, vous vous souvenez sans doute des cambriolages spectaculaires des commerces (Sahel Gaz, Sivop, Sedipal et autres magasins) et établissements financiers dont les Acep (Alliance de crédit et d’épargne pour la production) de Bambey et de Saint-Louis. Elles portent la signature de caïds bien organisés. A Dakar, Thiès, Bambey et Saint-Louis, El Hadj Aboul Aziz Bâ, Cheikhouna Diakhaté, Abib Niakh et Alioune Badara Cissé ont amassé un butin de plus de 200 millions de F CFA en perpétrant plusieurs cambriolages.

La bande, bien organisée, est tombée en août 2011, après de simples soupçons portés sur Cheikhouna Diakhaté. De retour de Saint-Louis, ce dernier avait garé sa moto dans un parking. Lorsqu’il est revenu récupérer son engin, il a été appréhendé par des éléments de la police de la localité. Les limiers avaient été informés par une personne intriguée par le fait que le motocycliste s’affairait également autour d’un véhicule abandonné auparavant par la bande. Au cours de l’audition et même de la perquisition, les policiers n’ont décelé rien de compromettant chez le mis en cause. Mais, coup de chance : comme pris par le remords, Cheikhouna s’est mis à confesser ses crimes. Suffisant pour que la police des HLM transmette le dossier à la Sûreté urbaine de Dakar qui a réussi à démanteler la bande. Plus d’une douzaine de victimes se sont signalées en faisant état de vols de différentes natures.

 

Des pratiques ingénieuses

 

Leur stratagème était imparable. Lorsqu’ils arrivaient dans un établissement ciblé, ils se présentaient comme des policiers et faisaient croire aux vigiles qu’ils venaient d’appréhender un voleur qui sortait des lieux. Les gardiens, candides et impressionnés, leur ouvraient grandement les portes des lieux. Ils les neutralisaient par la suite pour commettre leur forfait. Parfois, le vigile mettait des heures pour comprendre ce qui lui est arrivé. La bande en tenue simulait un contrôle d’identité. Quand l’agent de sécurité ne disposait pas de pièce, une partie de la bande l’embarquait dans un véhicule banalisé, tandis que le reste procédait au vol. Le gardien bénéficiait parfois de la clémence des « agents », mais loin de son lieu de travail. Il revenait, après plusieurs heures de marche, hébété, dans des lieux… vides. Quand il n’était pas chanceux, on l’accusait de complicité et il… croupissait en prison !

Les auteurs ont reconnu les faits et sont revenus en détail sur leur mode opératoire, à l’exception de Boy Ndiaye. « Je n’ai jamais mis les pieds dans un commissariat de police. Je suis un businessman au Port. J’achète et je vends, dès que je vois une marchandise qui m’intéresse. Je n’ai participé à aucun cambriolage », s’est dédouané l’accusé. Acculé par le président du tribunal, il a  laissé entendre qu’il est certes innocent dans ces différents vols, mais qu’il n’est pas blanc comme neige. Car, il a de fausses clés qui lui permettent d’ouvrir les véhicules garés au Port afin de subtiliser les radios. Pis, il a été confondu par les dépositions de ses coinculpés qui l’ont désigné comme agent recruteur et chef de gang.

 

La perpétuité

 

Leurs actes risquent de leur coûter la prison à vie. Le parquet a requis contre le quatuor les travaux forcés à la perpétuité et dix ans de travaux forcés contre Malamine Touré dit Bara et Alé Diagne, les deux taximen qui les ont transportés au cours de certaines de leurs expéditions. Entre 2010 et 2011, en l’espace de quelques mois, des voitures, téléphones portables, bons de carburant, ordinateurs, coffres, bonbonnes de gaz ont disparu pour rentrer dans le circuit du recyclage des objets volés. 

Mardi, lors du procès, seuls Moussa Bèye et El Hadj Alioune Ndiaye se sont présentés au procès de leurs bourreaux. Le premier a expliqué que le 13 septembre 2009, pendant qu’il ouvrait son magasin, les accusés ont profité d’un moment d’inadvertance pour lui soutirer 13 millions. « J’ai même fait de la prison à cause d’eux, car je ne pouvais pas rembourser mes créanciers. C’est un an après que j’ai entendu à la radio que des malfaiteurs appréhendés ont confessé avoir volé 13 millions au marché Gueule Tapée de Cambérène », a raconté la victime. El Hadj Alioune Ndiaye de Sedipal lui, n’a pas été aussi prolixe. Il a juste fait savoir que lors du cambriolage survenu en 2011, les malfrats avaient défoncé la porte de l’entreprise et dérobé le montant de 1,5 million F CFA ainsi que le serveur central.

  

Véhicules, terrains, moutons de race…

 

L’ancien gendarme El Hadj Abdou Aziz Ba qui a intégré le gang, entre fin février et début mars 2011, a décrit le même modus operandi. Auparavant, il a soutenu avoir été recruté par Boy Ndiaye qu’il connaissait depuis 15 ans. ‘’Un jour, nous nous sommes croisés et je lui ai dit que les choses ne marchaient pas trop de mon côté. Il m’a dit qu’il allait m’appeler le soir pour un travail’’, a confié l’accusé. Le travail a consisté à voler 22 sacs de lait d’un camion stationné à Cambérène. Après la vente du lait, Aziz dit avoir reçu 300 000 F CFA pour sa part du butin. Ce qui fait qu’il n’a pas résisté aux autres coups, comme le vol à Sahel Gaz où 238 bonbonnes, de l’argent et des bons d’essence ont été emportés. Ou encore celui commis à Sivop avec un butin de 95 millions. « Il y avait tellement d’argent ! Il y avait même des billets en Euros. On s’est partagé le butin à parts égales. Moi, j’avais reçu 12 700 000 F CFA. J’ai acheté deux motos jakarta pour le transport à Kaolack. Les 10 millions, je les avais gardés dans mon compte et les 3 millions me servaient d’argent de poche, puisque je travaille à la chambre de commerce ». Le public l’a acclamé !

 

La défense plaide la clémence

 

Les avocats des parties civiles ont déploré la gravité des faits, suivis en cela par le Procureur de la République. Ainsi ils ont réclamé des dommages et intérêts à hauteur de 188 millions de francs : 150 millions pour Sivop, 15 millions pour le commerçant Moustapha Kane établi à la Médina, 3 millions pour Sedipal et 20 millions pour le commerçant Moussa Bèye établi à Cambérène. La défense a fait état d’incohérences dans le réquisitoire du parquet, mais elle a surtout imploré la clémence de la Chambre. Car, à leurs avis, leurs clients ne peuvent pas être jugés comme de vulgaires malfrats. Me Djiby Diallo a soutenu que, « tout ce qu’ils ont gagné, ils l’ont investi pour leurs familles au lieu de se livrer dans d’autres activités répréhensibles ou délictuelles, comme le trafic de drogue ».  Les avocats ont  demandé aux juges de tenir compte du repentir dont leurs clients ont fait montre à la barre et de leur accorder une seconde chance. Ils ont insisté sur le fait que les accusés n’aient pas exercé de violences sur leurs victimes. Le verdict sera rendu le 2 mai prochain.

 

Latyr NDIAYE







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