Au pays de feu Jean-Bedel Bokassa, depuis le vendredi 08 janvier 2020, à l’invitation de l’ancien Ministre des Affaires étrangères du Sénégal, Mankeur Ndiaye, Représentant spécial du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, et Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République Centrafricaine (Minusca), nous avons connu, dans la nuit de mardi à hier, notre baptême du feu dans ce pays dont le quotidien rime, depuis soixante ans, avec coup d’État et guerre civile.

BANGUI  – Nous avions débarqué à Bangui avec des objectifs précis : faire le point de situation sur le travail abattu par la Minusca commandée par un compatriote, et au-delà, la situation qui prévaut dans le pays du Président centrafricain réélu, Faustin-Archange Touadéra. Mais, le projet a connu un brusque coup d’arrêt dans la nuit de mardi à mercredi, du fait d’une violente attaque de rebelles affiliés à François Bozizé, l’ancien Président centrafricain.

De 02h à l’aube, c’est comme si Bangui était en proie à un tremblement de terre : face à la charge brusque et brutale des rebelles, la Minusca – avec ses troupes d’élite rwandaises, sa force de réaction rapide composée de troupes portugaises réputées féroces, car ne faisant pas de quartier, et en coordination avec les Forces de défense et de sécurité, sans doute avec leurs renforts de forces spéciales russes – a répliqué à l’arme lourde en faisant usage de ses moyens aériens. Il s’en est suivi des heures de combats effrayants. En conséquence, 31 rebelles ont été tués, 05 capturés, et une douzaine de différents types d’armes, dont deux RPG et mitrailleuses, ainsi que des munitions, des chargeurs de radio ainsi que des uniformes militaires ont été saisis.

Impression de tremblement de terre, les armes lourdes tonnent, on se terre

Tout Bangui s’est terré. Et nous en avons fait de même dans nos hôtels, où des fenêtres, nous avons assisté, en tendant l’oreille et en furetant, au spectacle d’une ville vidée de ses habitants, plongée dans une ambiance de terreur amplifiée par la corrida des véhicules de combat bourrés de militaires qui investissent les coins et recoins de la capitale pour débusquer les assaillants. Déjà, la veille, trois femmes et deux hommes, avaient été froidement abattus pour n’avoir pas respecté le couvre-feu à partir de 20h.

Ce mercredi, du fait de l’assaut des rebelles, l’aéroport de Bangui avait été fermé, et les vols déroutés dans les pays voisins, en particulier le Cameroun où, à Douala, s’est abrité celui qui devait nous ramener, aujourd’hui, sur Dakar. Air France ayant rebroussé chemin, le Chef de la Minusca, Mankeur Ndiaye, a vu son voyage sur Paris, ce mercredi matin, être compromis. Et toute la nuit, jusqu’en milieu d’après-midi, il a coaché des réunions de crise, en sa qualité de Chef de Mission et d’Agent habilité en charge de la sécurité du personnel et des biens des Nations Unies en rapport avec les autorités centrafricaines. Autres conséquences de cet assaut, nos rencontres avec le Président, le Premier ministre et le Ministre de la Communication centrafricains ont tout bonnement été annulées.

En milieu de matinée, Henri Wanzet Linguissara, ancien Directeur général de la Gendarmerie, puis de la Police, actuel Ministre de l’Intérieur chargé de la Sécurité, apparait à la télévision nationale en tenue de Général de Corps d’Armée. Son discours incendiaire à l’endroit des assaillants, se veut rassurant pour les habitants de Bangui : «La situation est sous contrôle. Nous ratissons. N’hésitez pas à nous informer sur les positions des rebelles.» Moins d’une heure plus tard, il revient à la charge exhibant un rebelle très mal en point pour procéder à son interrogatoire en direct. «Il ne parle ni français, ni aucune langue du pays. Ce sont des forces étrangères qui sont derrière ses gens», peste-t-il.

Forces russes, rwandaises et portugaises contre rebelles

Seulement, selon des informations concordantes, jusqu’en milieu d’après-midi, des accrochages étaient signalés. Dans l’après-midi, lorsqu’est confirmée la déroute des rebelles face aux forces de la Minusca, Mankeur Ndiaye, par l’entremise de son Porte-parole, Vladimir Monteiro, rend publique une déclaration qui accuse sans équivoque l’ancien Président François Bozizé d’être l’instigateur de l’attaque. Le document indique : «La Minusca condamne dans les termes les plus forts l’attaque lancée mercredi matin par les éléments armés dans la périphérie de la ville de Bangui. L’attaque a été repoussée par les casques bleus, conjointement avec les forces armées centrafricaines.

Au cours de cette attaque coordonnée, les éléments armés ont directement ciblé les casques bleus déployés sur ces différents axes menant à la capitale. Ces derniers, avec les prompts renforts en troupes et l’appui fourni par des hélicoptères, ont pu contenir et repousser les assaillants dans une action conjointe avec les forces armées centrafricaines. Les éléments des groupes armés ont subi des pertes en vies humaines, certains ont été arrêtés et des armes saisies.

La Minusca déplore la perte d’un casque bleu, tandis qu’un autre a été blessé. Le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en République Centrafricaine et Chef de la Minusca, Mankeur Ndiaye, s’incline devant la mémoire de ce casque bleu tombé au service de la paix dans le pays et exprime ses sincères condoléances à sa famille ainsi qu’au contingent et au gouvernement rwandais.»

Mankeur Ndiaye mène la contre-offensive

Poursuivant, le communiqué indique : «La Minusca condamne fermement les attaques des groupes armés coalisés anti-Balaka, UPC, 3R et MPC et leurs alliés politiques notamment l’ancien président François Bozizé. La Mission les rend responsables des conséquences de ces violences sur les populations civiles et souligne que les attaques contre les casques bleus peuvent être considérées comme des crimes de guerre et poursuivies en justice.

Le Représentant spécial qui est en contact permanent avec les autorités centrafricaines et avec toutes les parties engagées en faveurs du dialogue et du rejet de la violence, rappelle la détermination de la Minusca à exécuter son mandat de protection des populations civiles et de sécurisation du processus électoral.» Juste après cette déclaration de Mankeur Ndiaye, c’est le Président Touadéra qui monte au créneau pour corser le couvre-feu entré en vigueur le jour de notre arrivée à Bangui. Et c’est Henri Wanzet Linguissara qui lit à la radio un décret présidentiel qui ramène le début du couvre-feu de 20h à 18h.

Enfin, c’est le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres qui, par l’entremise de Stéphane Dujarric, son Porte-parole «condamne fermement les attaques perpétrées, aujourd’hui, par des éléments armés non identifiés visant les forces de défense et de sécurité centrafricaines, et la Minusca, dans la périphérie de Bangui.».

Cette déclaration a été faite en marge du briefing du Conseil Sécurité par le Sous-Secrétaire général au Maintien de la Paix, Jean Pierre Lacroix, sur les derniers développements en République centrafricaine. Mankeur Ndiaye lui emboitera le pas le 21 Janvier pour une séance de briefing inscrite à l’agenda du Conseil de Sécurité en divers avec la participation du Ministre des Affaires Etrangères de la République Centrafricaine.